Agence de Développement de l'Economie et de l'Environnement de la Province de Hainaut
DOUANES ET ACCISES – Biens à “double usage”: suis-je concerné?

Publié dans Actualités, Développement des entreprises, Douane et Accises

La Direction des Licences d’armes du SPW a pour mission de gérer les dossiers d’octroi des licences d’armes et de matériel militaire délivrées par la Région (en exportation, importation et transit). Elle gère également les dossiers d’octroi des licences “biens à double usage” délivrées par la Région et assure le suivi des décisions et des directives fédérales, européennes et internationales en la matière. Enfin, elle gère les embargos spécifiques à certains pays (Iran, Russie, Syrie) et effectue les contrôles exigés dans le cadre de la Convention sur les Armes chimiques (CWC).

Hainaut Développement: Bonjour M. MOREELS. Vous êtes à la tête d’un service public wallon qui s’occupe de la délivrance de différents types de licences. Pourriez-vous nous expliquer le travail de votre service et les licences qu’il dé livre?

Michel MOREELS: Nous octroyons des licences pour les transferts d’armes, de biens à double usage et pour les embargos. Nous effectuons aussi un travail, plutôt d’ordre statistique, dans le cadre de la Convention sur les Armes chimiques. Le sujet du jour étant les biens à double usage, permettez-moi de vous rappeler brièvement de quoi il s’agit. Et comme, je n’ai pas l’habitude de réinventer l’eau tiède, je reprends, ici, un extrait du Programme interne de Conformité pour les sociétés ex portant des biens à double usage , réalisé pour la Région wallonne, par ma collègue, Lia CAPONETTI, et dont je vous conseille vivement la lecture (1).

Les biens à double usage sont des biens , des logiciels et des technologies qui peuvent être utilisés à la fois pour des applications civiles et militaires. Les biens à double usage ont, en principe, une application civile, mais leur mauvaise utilisation pourrait contribuer à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. Concrètement, celles-ci comprennent, les armes nucléaires, les armes chimiques, les armes biologiques et les missiles.

Les biens à double usage peuvent également être utilisés à mauvais escient pour contribuer à d’autres utilisations finales indésirables telles que la violation des droits de l’homme ou à des fins militaires non autorisées.

Pour ces raisons, le commerce des biens à double usage est contrôlé au niveau européen par le Règlement 428/2009 complété par la législation nationale de chaque Etat membre.

L’UE contrôle l’exportation, le transit et le courtage des biens à double usage afin de pouvoir contribuer à la paix et à la sécurité internationales, et prévenir la prolifération des armes de destruction massive.

Les contrôles des exportations de l’UE reflètent les engagements pris dans le cadre des principaux régimes multilatéraux de contrôle des exportations tels que le Groupe d’Australie, l’Arrangement de Wassenaar, le Groupe des Fournisseurs nucléaires et le Régime de Contrôle de la Technologie des Missiles.

Les biens à double usage soumis à des contrôles commerciaux sont énumérés à l’Annexe I du Règlement 428/2009 et sont répartis dans les catégories suivantes:

– Catégorie 1: Matériaux spéciaux et équipements connexes

– Catégorie 2: Traitement des matériaux

– Catégorie 3: Electronique

– Catégorie 4: Ordinateurs

– Catégorie 5: Télécommunications et sécurité de l’information

– Catégorie 6: Capteurs et lasers

– Catégorie 7: Navigation et avionique

– Catégorie 8: Marine

– Catégorie 9: Aérospatiale et propulsion

La liste des produits figurant à l’annexe I est la première compilation internationale des listes de contrôle des régimes internationaux de contrôle des exportations. Cette liste est revue et mise à jour chaque année. Celle-ci est notamment consultable sur le site internet de notre service: https://economie.wallonie.be/Licences_armes/ Accueil.html

En outre, chaque Etat membre de l’UE a la possibilité de contrôler des articles qui ne sont pas répertoriés. Ce mécanisme, appelé clauses “catch-all” ou “attrape-tout”, a été mis en place pour faire face à l’évolution rapide de la technologie et pour contourner les efforts des proliférateurs qui cherchent à se procurer des biens à double usage dont les spécifications techniques sont juste en-dessous de celles qui sont contrôlées.

Concrètement, donc, les biens, les logiciels et les technologies visés par la législation double usage nécessitent des licences à l’exportation (pas à l’importation) pour tout transfert en dehors de l’Union européenne pour la majorité des produits visés par la réglementation; seuls quelques produits repris en Annexe IV dudit règlement nécessitent une licence même en intra-UE. Pour les obtenir, les candidats exportateurs, après avoir eux-mêmes déterminé (vu qu’ils sont ceux qui connaissent le mieux leurs produits!) sous quelle position ceux-ci sont visés par le Règlement 428/2009, introduisent une demande de licence auprès de mon service. Ces licences, qui peuvent être de différents types (licences individuelles ou globales ou autorisation générale communautaire) sont étudiées tant sur la forme que sur le fond par mes collaborateurs et notamment, par l’ingénieur du service qui confirme ou infirme l’analyse technique proposée par le demandeur. Accompagnées de commentaires et d’un avis, ces demandes sont alors soumises à la décision du Ministre-Président qui les octroie ou non. Les licences accordées reviennent ensuite dans mon service (nous assurons le rôle de guichet unique) pour être envoyées aux opérateurs économiques. Après utilisation ou échéance des licences, celles-ci doivent nous être retournées avec, éventuellement, des preuves d’arrivée de la marchandise à destination ou des relevés d’exportation; notre administration contrôlant aussi le suivi desdites licences.

Ce système risque de changer prochainement puisque nous participons au projet d’e-Licensing de la Commission européenne qui permettra aux sociétés d’introduire directement leurs demandes de licence via une plateforme virtuelle.

HD/ Il s’agit donc de licences qui concernent certains produits bien dé terminés. Pourtant beaucoup d’entre prises n’ont pas conscience que les produits qu’elles fabriquent et vendent sont à double usage. Pouvez-vous nous donner quelques exemples?

MM/ Parmi les exemples classiques, citons le fluor et la triéthanolamine. Le premier est un produit d’usage industriel très courant. On l’utilise, notamment, pour purifier l’eau ou dans les pâtes dentifrices. La seconde sert, à la base, au traitement primaire des peaux de bovins (afin de faire tomber les poils) mais elle est aussi employée dans bon nombre de produits cosmétiques! Tous deux ont une multitude d’usages parfaitement licites mais sont aussi des composants d’armes chimiques!

Dans le domaine de la cybersurveillance, un exemple d’usage non pacifique à des fins de violation des droits de l’homme est le système de reconnaissance faciale utilisé dans la plupart des smartphones de dernière génération comme système de déverrouillage mais qui pourrait aussi être utilisé pour la reconnaissance de citoyens dissidents dans des espaces publics (métros, places, magasins, banques, etc.) dans des pays autoritaires afin de les capturer et les réduire au silence. Evoquons aussi les vannes, les alliages spéciaux, certains algorithmes informatiques, des lubrifiants industriels qui peuvent être divertis vers des usages non souhaités. La gamme des produits visés est large et on ne peut que conseiller à chacun de jeter de temps en temps un coup d’œil à la liste des produits visés, liste qui, rappelons-le, est évolutive.

HD/Que va-t-il alors se passer pour ces entreprises wallonnes qui exportent des produits à double usage sans le savoir?

MM/ Théoriquement, elles sont bloquées lors des contrôles douaniers, ceux-ci exigeant les licences d’exportation. L’expérience nous prouve que ce sont généralement des sociétés nouvellement apparues sur le marché ou alors ayant un nouveau produit, qui tombent plutôt dans cette catégorie. Mais on a quand même aussi le souvenir de l’une ou l’autre société longtemps passée sous les radars avant d’enfin s’en rendre compte ou d’être identifiée comme telle.

HD/ Comment peut-on éviter de se retrouver dans cette situation? Quel conseil donnez-vous aux entrepreneurs qui nous lisent et qui pourraient être concernés par la législation du double usage?

MM/ Il faut commencer par consulter la liste des produits visés et se tenir au courant des modifications de celle-ci. Attention cependant, cette liste est complexe et requiert des qualités techniques pour être comprise. Il ne faut pas non plus hésiter à contacter notre service, que ce soit sur les principes de base de la législation, sur les modalités pratiques d’obtention des licences ou sur les spécificités techniques du règlement. Nous sommes un petit service, mais nous sommes les seuls habilités à traiter ces matières. Et ici, comme souvent, il faut se méfier “des bons conseils” et “avis autorisés” sur la matière qui circulent parfois un peu trop.

HD/ Un homme averti en vaut deux! Merci beaucoup pour vos explications et vos conseils M. MOREELS.

(1) Ce document est consultable sur le site de la Direction des licences d’armes: https://economie. wallonie.be/Licences_armes/Accueil.html.

 

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Pour les questions de législation relative à cette matière:

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Pour les questions relatives aux licences:

christine.martin@spw.wallonie.be

Pour les questions techniques:

samuel.vlaminck@spw.wallonie.be

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