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Une déduction au-delà du délai de prescription en matière de déduction de la TVA est-elle possible?

Publié dans Actualités, Nos articles, Veille TVA intracommunautaire

La Cour de Justice de l’Union européenne a récemment rendu deux arrêts traitant du délai de prescription en matière de droit à déduction, à savoir le délai dans lequel les assujettis sont autorisés à exercer leur droit à déduction (ECJ, C-533/16, Volkswagen AG, 21 mars 2018 ; ECJ, C-8/17, Biosafe – Industria de Reciclagens SA, 12 avril 2018).

Le délai de prescription en matière de déduction de la TVA au regard de la TVA belge

Au regard de la TVA belge, un assujetti peut exercer son droit à déduction de la TVA jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle la TVA est devenue exigible (article 4 de l’A.R. n° 3).

En d’autres termes, l’assujetti qui a omis d’exercer son droit à déduction de la TVA ayant grevé l’achat d’un bien ou d’un service peut toujours faire valoir ce droit dans une déclaration ultérieure à déposer avant l’expiration du délai de prescription précité.

Ce délai de prescription commence à courir à compter du 1er janvier de l’année au cours de laquelle la TVA est devenue exigible, c’est-à-dire, généralement l’année au cours de laquelle la facture initiale a été émise, pour prendre fin le 31 décembre de la troisième année qui suit.

L’objet des questions préjudicielles posées à la Cour de Justice de l’Union européenne

La Cour a été amenée à se prononcer, dans les deux arrêts en cause, sur la question de savoir quel est le moment à retenir comme point de départ du délai de prescription en matière de droit à déduction, lorsque le fournisseur d’un bien ou d’un service réclame au moyen de factures rectificatives le paiement de la TVA ou un supplément de TVA se rapportant à des biens ou des services livrés et facturés antérieurement.

S’agit-il de l’année où les factures initiales ont été émises ou celle où les factures rectificatives ont été émises?

Les affaires à l’origine des arrêts précités mettent en exergue une situation susceptible d’être rencontrée par tout assujetti, à savoir, la situation où un fournisseur adresse des factures rectificatives relatives à une opération atteinte par le délai de prescription.

Dans ce cas de figure, se pose la question de savoir si l’assujetti qui se voit adresser les factures rectificatives est en droit de postuler la déduction de la TVA ou du supplément de TVA qui lui est portée en compte.

L’intérêt des arrêts précités peut, compte tenu de ce qui précède, être illustré au moyen de l’exemple qui suit.

Un fournisseur belge a facturé (à tort) des biens au taux de 6% à son client belge au cours de l’année 2014. Fin 2017, le fournisseur belge fait l’objet d’un contrôle TVA à l’issue duquel l’administration lui réclame le complément de TVA due à hauteur de 15% sur les biens livrés (à tort) au taux de 6%. Le fournisseur belge établit en 2018 des factures rectificatives en vue de réclamer le supplément de TVA auprès de son client belge.

Sur le plan des principes, le client belge ne serait plus autorisé à déduire la TVA, étant donné que les factures rectificatives portent sur une opération ayant été facturée au cours d’une période qui est atteinte par le délai de prescription de 3 ans (i.e. 31 décembre 2017).

Les conclusions de la Cour de Justice de l’Union européenne

La Cour débute son raisonnement par réitérer les grands principes qui régissent le droit à déduction en matière de TVA et rappelle, notamment, que le droit à déduction est subordonné au respect d’exigences ou de conditions tant matérielles que formelles.

Il ainsi rappelé qu’un assujetti ne peut exercer son droit à déduction que s’il affecte les biens et services acquis auprès d’un autre assujetti, à la réalisation d’opérations en aval qui ouvrent droit à déduction (i.e. conditions matérielles).

Par ailleurs, il importe également que cet assujetti détienne une facture conforme au prescrit de la législation TVA afin de pouvoir exercer son droit à déduction (conditions formelles).

Or, comme le souligne, à juste titre, la Cour de Justice, l’acheteur des biens ne peut, dans l’exemple évoqué ci-avant, exercer son droit à déduction avant l’exercice de régularisation, à défaut de disposer des factures rectificatives et de savoir qu’un supplément de TVA lui sera réclamée.

Par conséquent, la Cour de Justice a dit pour droit que l’on ne saurait, dans ce cas de figure, refuser le bénéfice du droit à déduction à un assujetti, au seul motif que le délai de prescription aurait commencé à courir à compter de la date d’émission desdites factures initiales et, par conséquent, aurait expiré.

La Cour de Justice laisse donc entendre que, dans ce contexte particulier, il convient de retenir comme point de départ non pas la date d’émission des factures initiales mais bien la date d’émission des factures correctives.

Conclusion

Les deux arrêts rendus par la Cour de Justice de l’Union européenne ont le mérite d’être clairs et offrent aux assujettis un argument de taille afin de défendre la déduction de la TVA relative à des opérations faisant l’objet d’une correction plusieurs années après l’émission des factures initiales.

 

 

Source: TVA Alternative

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